Le Baker
Les débuts en affaire de John Baker (1851-1930) remontent en 1879, quelques années après que son père John Baker Sr déménage de la péninsule de Gaspé et décide de s’installer au centre-ville. Il entreprend alors d’ouvrir une taverne sur la pointe du Vieux-Port de Gaspé. Deux ans plus tard, après un succès florissant avec sa taverne, John Baker se porte acquéreur de 2 terrains situé sur la rue de la Reine (Queen Street à l’époque) appartenant alors à Ernest Tétû et y construit un bâtiment de style victorien qu’il va baptiser l’Hôtel Baker.
La Gaspésie d’alors devenait peu à peu un lieu touristique de plus en plus prisé par les Américains, surtout les Pennsylvaniens et manquait cruellement de lieux d’hébergement de qualité. John Baker décide d’acheter un bâtiment situé à l’arrière de l’Hôtel Baker, appartenant à Georges Dumaresq pour la somme considérable pour l’époque de 4000 $. Cet endroit sera désormais connu sous le nom de Baker’s Lodge.
Il en profite aussi vers 1896 pour ajouter plusieurs tours et faire des rénovations qui aboutiront à l’ajout d’une section sur le bâtiment principal de l’Hôtel Baker. Le premier court de tennis à Gaspé sera construit dans la cour arrière de l’Hôtel Baker ainsi que le premier café terrasse. John Baker se sert de son influence afin d’acquérir l’exclusivité des droits de pêches de deux rivières à saumon : La rivière York et la rivière St-Jean.
Le port de Gaspé étant à cette époque de taille considérable combiné avec l’arrivée du chemin de fer de la Quebec and Western Railway vers 1910 et de routes carrossables pour les véhicules automobiles, de plus en plus de touristes se rendent jusqu’à Gaspé. John Baker fait connaître son hôtel en Amérique du nord comme étant le paradis de la chasse et de la pêche. Les activités proposées pour la saison 1920 sont les suivantes : pêche au saumon et à la truite, chasse, baignade en eau salée et visite en automobile de certains points d’intérêts comme Percé, Haldimand et les puits d’huiles.
En 1914, John Baker fait l’acquisition d’un véhicule automobile de marque Ford qui est la première automobile d’un propriétaire de Gaspé à se promener sur les routes non pavées de la ville. Les tarifs, pour la location d’une chambre le 1er juin 1920, sont de 3$ par jour pour une chambre régulière, 4$ pour une grande chambre et 5$ pour une chambre avec bain privé.
C’est alors l’âge d’or de l’empire de John Baker qui décide de l’agrandir en 1920 en achetant le manoir du commandant William Wakeham, propriété de Florence Fairbanks, son héritière depuis sa mort au tournant du siècle pour la somme de 12 500$. Il possède donc trois bâtiments dont le One Ash Inn et le Baker’s Lodge servent surtout aux pêcheurs et aux chasseurs tandis que l’Hôtel Baker sert surtout à héberger les touristes et les commis voyageurs. Selon certains témoignages des gens de l’époque, la salle de bal de l’Hôtel Baker fût très populaire entre 1920 et 1929 lors des années folles pour les somptueux bals costumés qui s’y déroulaient et qui attiraient l’aristocratie du Gaspé d’alors comme le maire Kingsley J. Carter.
Le 17 octobre 1930, John Baker décède au Preston Springs Hotel à Preston, Waterloo en Ontario. Son corps fût rapatrié et il fût enterré le 22 octobre 1930 à St-Patrick’s Church, Douglastown. Gaspé est en deuil de l’un de ses citoyens les plus importants, tant au niveau social qu’économique, tous les drapeaux de la ville sont en berne. Ses obsèques sont célébrées par Monseigneur François-Xavier Ross et l’église ne suffit qu’à faire entrer environ la moitié des gens venus lui rendre un dernier hommage. La succession est partagée entre ses trois petits neveux. Deux d’entre eux vont quitter Gaspé et la gérance revient à William Baker. Toutefois, essentiellement basé sur les activités de chasse et de pêche, l’empire Baker finit par se retrouver dans une mauvaise posture, essentiellement à cause des nouvelles législations gouvernementales, qui éliminent tour à tour les clubs de pêches privées, afin de les remplacer en réserves provinciales. L’Hôtel ainsi que le Baker’s Lodge sont vendus à trois actionnaires : Walter Kruse, Terence Pidgeon et Rupert Girard. Impliqué dans l’affaire Coffin comme témoin important au procès, William Baker meurt mystérieusement au One Ash Inn en mars 1956 d’un présumé arrêt cardiaque.
C’est somme toute la fin du règne de la famille Baker en hôtellerie à Gaspé après plus de cent ans. En 1983, le One Ash Inn est vendu à Carmen Fournier de Gaspé par les héritiers Baker résidant en Colombie-Britannique. L’Hôtel Baker est encore une fois vendu par Margery Emmeline Cary Patterson, veuve de Owen A. Patterson le 4 mai 1974 à un groupe d’hommes d’affaires de Gaspé comprenant l’actuel propriétaire, Roger Denis. Coup sombre du hasard, le Baker’s Hotel brûle, le 31 juillet 1975. Certaines propriétés avoisinantes sont transformées en maison d’appartements, quelques années plus tard. Quelques mois après l’incendie, le même groupe d’investisseurs décide de prendre en charge la construction d’un nouvel hôtel, au même endroit que l’ancien Hôtel Baker. Le bâtiment sera opérationnel, dès juin 1978, sous la bannière Auberge des Gouverneurs. Il comportera 44 chambres, ainsi que les 12 unités de motels précédemment construits comme addition à l’hôtel Baker.
En 2001, des changements et des agrandissements majeurs viennent confirmer la place de l’hôtel comme leader dans les domaines de l’hôtellerie, de la restauration et du congrès en Gaspésie. Ces changements se concrétiseront par l’ajout de 14 nouvelles chambres, d’un cinéma de 102 places, de même que l’agrandissement des salles de conférences et du restaurant. Fier des nombreux services que nous offrons, notre but est maintenant de devenir une destination en soi.
Sources :
Musée de la Gaspésie et des Îles, fonds de la famille Baker
Magazine Gaspésie, volume 44, pages 4-11 et volume 45, pages 8-36 ; 52
Acte de vente de l’Hôtel Baker, pages 2-19
Acte de naissance, John Baker, Ancestral Files
Rapport d’évaluation de l’Hôtel Baker, pages 1-31
Texte et recherche : Steve Cyr